del 12 maggio 2001
INTERNATIONAL : Gorizia, ville frontière, voit passer les clandestins, sans pouvoir les arrêter Date de parution: Samedi 12 mai 2001 Auteur: Eléonore Sulser, envoyée spéciale à Gorizia
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IMMIGRATION. Cette ville des confins italo-slovènes est devenue un important point d'entrée dans l'espace Schengen. Umberto Bossi a proposé d'y bâtir un «mur» pour fermer cette frontière qui séparait jadis blocs de l'Est et de l'Ouest. |
Un arbre marqué de blanc, un autre, encore un. Les traits de peinture, récents, tracent un chemin à travers la forêt. On imagine les clandestins, de nuit, débarqués sur cette route slovène, les hommes en training, les femmes serrant contre elles une petite valise ou un sac de voyage, dévalant à travers bois la pente qui mène vers l'Italie. «Voyez, côté italien, le sentier est marqué par des papiers gras, des paquets de cigarettes vides, des tickets de caisse d'une trattoria voisine. Les ordures s'arrêtent net, là où commence le chemin à travers bois», détaille Angelo Obit. Ce policier, secrétaire provincial du Syndicat autonome de police (SAP), qui recense avec une application obstinée les «trous» dans l'espace Schengen, vient de découvrir un nouveau point de passage dans la campagne, au sud de Gorizia. Gorizia, ville divisée entre Italie et Slovénie
après la Deuxième Guerre mondiale, est devenue au nord de l'Italie la
porte d'entrée principale des clandestins dans l'espace Schengen. «La
ville est dans une plaine, autour c'est plutôt accidenté», explique
Roberta Missio, au bureau local du Piccolo, quotidien de la région
Frioul-Vénétie Julienne. «C'est pratique pour les passeurs,
continue-t-elle. Les moyens de transport sont nombreux des deux côtés de
la frontière: on peut y arriver et en repartir en train, en bus, par
camion.» Angelo Obit renchérit. «Il y a bien une frontière dit-il,
mais on ne la voit pas. Pour les clandestins, autant dire qu'elle n'existe
pas. La police est peu efficace. Elle manque de moyens, d'hommes. D'ailleurs,
elle ne tient pas trop à arrêter tous les gens qui passent. Plus les
patrouilles en attrapent, plus le problème devient évident.» Angelo
Obit mène par le biais de son syndicat une véritable bataille: il
proteste sans relâche auprès de ses supérieurs, du gouvernement
provincial, de Rome contre ce qu'il appelle le confine invisibile, la
frontière invisible. A Gorizia, il suffit en effet de passer par le trou
d'un grillage, de sauter une voie de chemin de fer, de traverser un jardin
pour se retrouver en Italie. «Vider la mer avec une cuillère, voilà la mission de la police», résume Angelo Obit. Arrêter un clandestin ne résout rien. En Italie, circuler sans papiers n'est pas un délit. Si la police peut prouver que l'immigrant vient d'un pays déterminé, elle l'y renvoie. La Slovénie reprend certaines des personnes arrêtées à Gorizia, mais ne parvient pas à les empêcher de retenter l'aventure. Les autres sont frappées d'expulsion: quinze jours pour quitter le territoire italien. A l'aube, la gare de Gorizia grouille de monde. Les gens qui ont passé la frontière à pied durant la
nuit attendent le premier train pour Venise. De là, ils partent plus loin
encore pour Milan, l'Allemagne ou la France. |